Sciences cognitives

Cet article est un des chapitres de mon travail sur l’émergence d’une langue

Présentation

Les sciences cognitives ont pour objectif l’étude du comportement et de la pensée humaine, animale ou même artificielle. L’étude de ces comportements repose principalement sur l’étude des mécanismes cognitifs permettant le traitement de l’information ainsi que l’acquisition et la mémorisation de connaissances. Les sciences cognitives permettent la modélisation des divers processus mentaux allant de la perception de l’environnement à la commande motrice en passant par la mémorisation, le raisonnement et le langage notamment. Cette science apparue au cours des années 50 regroupe de nombreux domaines comme l’anthropologie, les neurosciences, la philosophie, la psychologie et surtout l’informatique et la linguistique. Ces différentes disciplines se sont depuis de plus en plus interconnectées. Cette approche multidisciplinaire a permis de nombreuses avancées dans l’ensemble de ces domaines et a trouvé des applications pratiques aussi bien dans l’industrie (la Cognitique) que dans l’imagerie cérébrale ou encore dans la résolution d’algorithme informatique.

Wikimedia Commons - Hexagramme cognitiviste

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La mémoire

La mémoire est l’une des principales facultés de l’esprit humain ce qui en fait un domaine de recherche privilégié pourtant il reste de nombreuses zones d’ombre dans la compréhension des mécanismes de la mémoire. Les principales avancées à l’heure actuelle sont réalisées à partir de l’étude du fonctionnement du système nerveux (Neuroscience). Au sens général, la mémoire désigne la faculté qu’ont les humains et la plupart des animaux à se souvenir d’événements passés tout en prenant conscience de ce souvenir.

En science-cognitive, la mémoire désigne la capacité à structurer l’information acquise dans l’objectif de la réutiliser. Cette définition implique donc que la mémorisation de l’information aurait des conséquences sur le comportement. L’acquisition de l’information nécessite la réception de messages sensorielles, appelés Stimuli.

Les sciences-cognitives classifient les différents processus et méthodes d’acquisition, de stockage et de restitution des représentations mentales de la mémoire. Il existe de nombreux modèles structuraux définissant une classification des différents types de mémoire. Le modèle le plus répandu est le modèle modal apparu à la fin des années 1960 et en propose trois principaux. D’autres sont par la suite venus compléter cette classification sur notre perception du fonctionnant de notre cerveau.

Registre Sensoriel ou mémoire dite « sensorielle »

Issu du modèle modal, la mémoire sensorielle est la mémoire Flash de notre cerveau, elle enregistre toutes les informations qu’elle reçoit (sons, images, odeurs, sensations, etc..). Cependant, elle ne conserve ces informations que pendant un laps de temps très court, quelques millisecondes tout au plus. Cette mémoire est appelé sensorielle car elle retient principalement les stimulis reçus par notre corps. Nous ne prenons que rarement conscience de ces informations car elles appartiendraient dès lors à la mémoire à cout terme et non plus au registre sensoriel. En effet, toute information basée sur les sens passe par la mémoire sensorielle avant d’être pris en compte ou non par le processus de stockage de la mémoire à court terme. Dans le cas d’une information visuelle ou auditive, on parle alors de mémoire de représentation perceptive divisée elle-même entre la mémoire iconique (visuelle) et la mémoire échoïque (sonore).

Mémoire à Court Terme(MCT)

La mémoire à Court Terme est définie selon le modèle modal comme étant la mémoire qui permet de stocker et d’utiliser une information pendant quelques secondes. L’information traitée peut provenir soit de la mémoire sensorielle au moment où l’on prend conscience de cette information soit provenir de la mémoire à long terme ou d’un traitement préalable de cette même mémoire à court Terme. En ce sens, elle peut être assimilée à la mémoire vive d’un ordinateur où l’on conserve les informations en attente de traitement. Cette mémoire permet de conserver pendant quelques secondes un numéro de téléphone ou le résultat d’un calcul.

Mémoire de Travail

Apparue dans les années 1970, cette mémoire de travail rend notre compréhension de la mémoire plus précise et distingue trois sous-systèmes de la mémoire à Court Terme :

  • Administrateur Central
  • Boucle Phonologique
  • Calepin Visuo-Spatial

Dans ce modèle, l’administrateur serait en charge de coordonner et contrôler les traitements logiques. Ensuite viendraient les deux méthodes de stockage : la boucle phonologique qui permet de conserver des informations verbales pendant à peine quelques secondes, et le calepin Visuo-Spatial qui permet de conserver des informations sous forme spatiales ou visuelles.

Selon ce modèle, l’administrateur central assure aussi le pont avec la mémoire sensorielle, c’est lui qui décide de traiter telle ou telle information stockée dans le registre sensoriel. Il serait par conséquent la « composante attentionnelle du modèle » et serait en charge de prendre conscience ou non d’une information sensorielle.

Mémoire à Long Terme(MLT)

La mémoire à Long Terme permet le stockage d’une information à long terme pour une réutilisation ultérieure. C’est cette mémoire qui est plébiscitée pour l’apprentissage d’un poème notamment. Un bon apprentissage et un bon stockage peuvent donc permettre la réutilisation de l’information tout au long de sa vie. Toutefois, en fonction de son utilité, il n’est pas rare d’oublier une information. Pour reprendre l’exemple du poème, il est fréquent de ne plus être capable de réciter un poème pourtant « appris par cœur ». En revanche, il suffit de relire ou d’entendre une nouvelle fois ce poème pour s’en souvenir presque instantanément ce qui peut laisser penser que la mémoire à long terme dispose d’un stockage presque illimité mais que nous ignorons encore toutes les méthodes de recherches pour retrouver une information donnée. Pour reprendre l’analogie avec l’ordinateur, la mémoire à long terme serait comme le disque dur dans lequel on stocke les informations dans le but d’une utilisation à très long terme. Pourtant, il n’est pas rare d’utiliser la fonction de recherche du système d’exploitation pour retrouver un fichier qu’on a perdu.

En prenant en compte les travaux effectués sur la mémoire du travail, il semblerait que ce soit l’administrateur Central de la mémoire à court Terme qui détermine s’il doit mémoriser une information pour une plus longue période. Cette sélection se ferait à partir de l’utilité de l’information traitée mais aussi de la fréquence de répétition de celle-ci. En effet, le cerveau a tendance à considérer que la répétition d’une information est un bon indice pour évaluer son utilité.

La mémoire à long terme peut être également divisée en trois types de mémoires distinctes :

  • La mémoire sémantique permet de stocker le savoir sous forme hiérarchisée comme une encyclopédie. Elle repose sur la mémorisation de concepts objectifs. Lors de la restitution, ces concepts sont retranscrits en langage verbal ou écrit. Cette méthode de stockage est la plus fiable de tous.
  • La mémoire épisodique se charge de retenir les événements vécus tout au long de notre vie et que l’on appelle aussi l’expérience personnelle. Toutefois, par l’affect qu’on apporte à notre passé et aux sentiments que l’on ressent, il n’est pas rare que cette mémoire soit affectée et modifiée.
  • La mémoire procédurale est utilisée tout au long de notre vie presque inconsciemment. Elle permet de restituer des processus moteurs comme tenir un stylo ou conduire. Grâce à elle, il nous est possible de refaire du vélo même après plusieurs années.

Pour conclure, il existe deux catégories de mémoire qui permettent de classifier ces différents types de mémoire :

  • La mémoire explicite concerne les informations et souvenirs volontairement appris comme pour la mémoire épisodique et sémantique. La mémorisation à plus ou moins long terme de l’information passe par l’affect émotionnel donné à l’information elle-même
  • La mémoire implicite est le conditionnement d’une information sur des tâches répétées et automatiques. La faculté de faire du vélo dépend de cette mémoire. Même si on ne se pose pas la question de savoir « comment on fait du vélo » au moment où l’on en fait, on est tout à fait capable de répondre à la question, ce qui montre que toute information implicite peut être transcrite en information explicite.

Pour aller plus loin, des études récentes en imagerie cérébrale et neuroscience ont démontré que ces différentes mémoires ne faisaient pas intervenir les mêmes zones cérébrales de notre cerveau.

Classification des différents types de mémoire

Classification des différents types de mémoire

L’attention

L’attention est présente dans presque tous nos comportements de la vie quotidienne. Elle se présente comme une fonction de base qui est indispensable au bon fonctionnement cognitif de l’individu.

Énormément de stimuli sonores arrivent à nos oreilles, mais nous n’en saisissons qu’une quantité minime. Si notre attention se porte sur un stimulus particulier, on n’entendra pas les autres bruits et sons qui parviennent simultanément à nos oreilles. Cependant, notre attention peut être soudainement mobilisée si notre oreille capte un bruit ou un son nous apparaissant comme inhabituel. Il s’avère souvent difficile de distinguer ce qui provient des processus attentionnels de ce qui provient des autres traitements. Les troubles de l’attention peuvent entraîner diverses erreurs. En effet, il est remarqué que si l’on propose plusieurs fois une même épreuve à un individu, il n’obtiendra pas toujours les mêmes résultats.

Il existe aujourd’hui différents modèles théoriques de l’attention. Le plus connu et le plus utilisé est actuellement le modèle de Posner. On distingue ainsi quatre composantes attentionnelles.

L’alerte

Elle renvoie à un état général d’éveil du système nerveux central. Ainsi, l’individu peut traiter et répondre aux diverses stimulations de son environnement. Il existe deux types d’alerte :

  • L’alerte tonique : elle correspond à un état général d’activation de l’organisme. Il varie tout au long de la journée. Elle englobe par exemple les différentes oscillations de l’organisme pendant une journée et les cycles de veille-sommeil. Ainsi, les modifications sont lentes, graduelles et généralisées.
  • L’alerte phasique : elle correspond au changement brusque et temporaire de l’état d’éveil face à un signal avertisseur. Il s’en suit une réponse plus rapide face au stimulus donné.

L’attention soutenue et la vigilance

Elles renvoient à la faculté qu’a l’individu de conserver un certain niveau attentionnel pendant de longues durées sans interruption.

C’est la fréquence d’apparition des stimuli qui les différencie. En situation d’attention soutenue, on observe que les stimuli sont fréquents, alors qu’en situation de vigilance les stimuli sont assez rares.

L’attention sélective

Elle permet le traitement particulier d’un stimulus parmi une multitude d’autres stimuli provenant de l’environnement. L’individu doit alors focaliser son attention sur le stimulus particulier et inhiber tous les autres.

L’attention divisée

Elle correspond à la faculté qu’a l’individu de fixer son attention simultanément sur différents stimuli. Ainsi, l’individu partage ses ressources attentionnelles pour pouvoir réaliser différentes tâches en même temps.

Modèles cognitifs

La science cognitive s’attache, on l’a vu, à l’étude des processus mentaux qui régissent notre comportement mais aussi au comportement de tout système mental qu’il soit naturel ou artificiel. Ne disposant à l’heure actuelle que d’une compréhension limitée des mécanismes de la pensée, les sciences cognitives reposent sur des modèles cognitifs qui sont des représentations simplifiées des mécanismes mentaux. Longtemps basé sur l’étude du comportement (Béhaviorisme), l’esprit humain a été considéré comme une « boîte noire » qui traite un nombre de données en entrée et produit un résultat logique en sortie. L’équation était alors relativement simple :

Stimuli -> Réponse

Ce principe est plus connu sous le nom de réflexe de Pavlov même si ce dernier n’explique pas les différences comportementalistes entre les espèces. Le réflexe de Pavlov est issu d’une expérience d’un physiologiste du même nom ayant eu le prix Nobel en 1904. Cette expérience tend à montrer les raisons qui poussent votre animal de compagnie à saliver et à accourir dès que vous le sifflez car il est conditionné par le schéma Sifflement -> Nourriture.

A l’inverse, les sciences cognitives ou la psychologie cognitiviste se sont intéressées à l’étude approfondie de cette fameuse « boîte noire » en tentant d’élaborer un schéma plus complexe qui est :

Stimuli (S) -> Organisme (O) -> Réponse (R) Stimuli (S) -> Traitement Cognitif -> Réponse (R)

Les modèles cognitifs s’attachent donc à décrire de manière formelle d’avantage le fonctionnement et l’apprentissage d’un comportement (Organisme) que le résultat en lui-même. Toutefois, les modèles cognitifs même s’ils sont adoptés et utilisés par de nombreux scientifiques ne sont pas tous exacts pour la plupart. En effet, les sciences-cognitives préfèrent utiliser un modèle cognitif simplifié qui marche dans la plupart des cas étudiés et qui explique au mieux les processus et les mécanismes de la pensée humaine tels que nous pouvons actuellement les comprendre.

La plupart des modèles cognitivistes actuels utilisent les différents types de mémoire dans la construction de leurs modèles.

Modèle Beliefs, Desires, Intentions ou BDI

Ces études ont abouti à différents modèles dont le plus connu doit être le modèle Beliefs, Desires, Intentions (BDI) soit en français Croyances, Désirs (ou option), Intentions (ou action). Chaque nouveau stimulus (interne ou externe) remet en cause le modèle de croyance de l’agent qui adapte dès lors ces croyances afin de s’adapter au nouveau problème qui lui est présenté. La conséquence de ses actions (bonne ou mauvaise) sur son environnement amène l’agent à remettre constamment en doute ses croyances et à s’adapter constamment afin de résoudre des problèmes de plus en plus complexes.

Modèle BDI
Modèle BDI

Pour aller plus loin, Il existe un Framework Java permettant d’utiliser ce modèle BDI, il s’agit de l’implémentation Jadex (http://vsis-www.informatik.uni-hamburg.de/projects/jadex/) qui est utilisé dans la réalisation de l’intelligence artificielle de certains jeux. Il existe d’autres implémentations comme JAM ou encore CRIC qui est un langage de programmation mais ces implémentations souffrent d’un manque de documentation.

Accéder au chapitre sur l’intelligence artificielle

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